• L’inflammation : une réponse de défense contrôlée

    18 juillet 2020

     

     

    L’inflammation est une réponse normale de notre organisme, qui nait, s’amplifie et s’éteint. Elle mobilise les mécanismes de défense de l’organisme du corps. Elle permet de reconnaitre, détruire et éliminer tous les corps étrangers à l’organisme, qu’ils soient, par exemples, une cellule tumorale, une bactérie ou un champignon lors d’infections. Parfois cette réponse inflammatoire perd ses mécanismes naturels de contrôle. Elle bascule dans un versant négatif, comme l’inflammation chronique ou la mauvaise cicatrisation, induisant alors une perte de fonction du tissu.

     

    L’inflammation, un système de défense naturel

    Les causes de l’inflammation sont nombreuses (agents infectieux, substances chimiques, coupures, traumatismes…). On peut dire que tout processus qui modifie l’état d’équilibre d’un tissu se traduit par une réponse inflammatoire. L’inflammation est donc là pour mobiliser les systèmes de défense et de réparation et permettre le retour à cet état d’équilibre initial que l’on appelle homéostasie.

     

    L’inflammation mobilise de nombreux éléments du corps :

    • - des cellules, en particulier les globules blancs du sang comme les monocytes, les cellules polynucléaires et les lymphocytes,
    • - des médiateurs solubles qui vont permettre aux différents acteurs cellulaires de communiquer entre eux. Parmi ces médiateurs il y a des protéines comme les cytokines, des lipides comme les prostaglandines, des molécules du stress oxydatif comme l’anion superoxide.

    L’ensemble de ces acteurs interviennent à des moments différents et de façon séquentielle au cours de l’inflammation pour pouvoir permettre au corps de bien se défendre.

     

    L’inflammation est multiple mais doit être résolue pour éviter les maladies

     

    On distingue quatre types d’inflammation

     

    1. l’inflammation suraiguë

    Inflammation de danger qui survient par exemple lors d’un accident grave de la route. Les nombreux traumatismes que subit le corps induisent une inflammation brutale, excessive, incontrôlée qui peut tuer. La personne doit être soignée en urgence et est dirigée vers les soins intensifs à l’hôpital.

     

    2. L’inflammation aiguë

    Inflammation de défense, elle est décrite depuis très longtemps puisque Celsius il y a deux mille ans détaille qu’une réponse inflammatoire est associée à 4 signes cliniques :

    • - La rougeur,
    • - le gonflement (maintenant appelé œdème),
    • - la chaleur
    • - et la douleur.

    La réponse inflammatoire aigue évolue en trois étapes : l’initiation, l’amplification et la résolution.

    L’initiation marque la phase vasculaire. Les vaisseaux sanguins stimulés par le tissu environnant qui est le siège de l’inflammation vont se dilater pour permettre un meilleur afflux sanguin. Les globules blancs du sang vont être ralentis car ils adhèrent plus aux cellules des vaisseaux. Il se produit alors une augmentation de la perméabilité des vaisseaux à l’endroit où l’inflammation se passe. Le plasma passe du sang au tissu : l’œdème commence à se former.

    La seconde phase qui est la phase d’amplification est marquée par l’infiltration des globules blancs dans le tissu qui est le siège de l’inflammation. Les polynucléaires neutrophiles sont les premiers sur le site et ils sont très actifs. Ils amplifient l’inflammation et la douleur. Ils participent aussi à essayer de détruire la cause de l’inflammation. Par contre, les polynucléaires neutrophiles sont des cellules fragiles. Ils meurent rapidement sur le site de l’inflammation.

    En mourant, ils initient la troisième phase de l’inflammation : la résolution. Pendant la résolution, une deuxième vague de cellules apparait alors : les monocytes. Ils se différencient en macrophages lorsqu’ils rentrent dans le tissu et vont avoir pour rôle de nettoyer le site inflammatoire, en éliminant les débris cellulaires et tissulaires. La mort des polynucléaires neutrophiles et l’arrivée des monocytes dans le tissu inflammé sont des éléments clef de la résolution et de la terminaison active de l’inflammation.

     

    3. L’inflammation chronique :

    Elle correspond à une inflammation qui a un défaut de résolution. L’inflammation persiste et va détruire le tissu qui en est le siège. Finalement, le mécanisme qui devait défendre devient la maladie elle-même. Elle accompagne de nombreuses maladies et peut siéger dans un ou plusieurs organes. Parmi les réponses inflammatoires chroniques on distingue par exemples l’arthrite, les rhumatismes, la polyarthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires intestinales comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, le lupus, l’endométriose, l’asthme, les bronchique chronique, les hépatites…

     

    4. L’inflammation de bas grade :

    Appelée aussi inflammation de bas niveau ou à bas bruit, c’est une inflammation chronique silencieuse. Contrairement aux trois autres inflammations évoquées ici, elle est de faible intensité, non ressentie par le corps. Son aspect silencieux fait que cette inflammation peut durer des années et ne sera détectée que par ces conséquences beaucoup plus graves comme le diabète, les maladies neurodégénératives ou le cancer.

     

     

    La résolution de l’inflammation et les 4 signaux stop de l’inflammation

     

    Arrêter l’inflammation

    Afin de contrôler l’inflammation, notre corps dispose de mécanismes naturels qui correspondent à des signaux d’arrêt. Si ces signaux n’apparaissent pas, l’inflammation ne va pas s’arrêter correctement et conduire à des maladies. L’arrêt de l’inflammation est donc un phénomène actif et ces signaux portent le nom de médiateurs spécialisés de la résolution.

    Avant de les décrire, il est important de bien comprendre quels sont les mécanismes moléculaires mobilisés au court d’une réponse inflammatoire.

     

    Exemple d’une réaction inflammatoire normale

    Imaginons par exemple, que vous vous piquiez avec une épine de rosier en jardinant et qu’un virus ou qu’une bactérie pénètre dans votre peau suite à cette piqure. Les cellules du tissu vont repérer cet agent étranger et déclencher l’inflammation. Ce déclenchement conduit à la production de médiateurs pro-inflammatoires comme des cytokines (qui sont des protéines) et des prostaglandines et des leukotriènes (qui sont des acides gras).

    L’inflammation monte en intensité, les signes cliniques apparaissent et s’amplifient. Le système de défense est mis en place et le virus ou la bactérie introduit par l’épine est éliminée. En parallèle des signaux pro-inflammatoires, des signaux stop se mettent en place : il s’agit des médiateurs spécialisés de la résolution ou SPM en anglais pour Specialized pro-resolving mediators. Les SPM sont des lipides et portent le nom de lipoxines, resolvines, protectines et marésines. Ils représentent les 4 signaux stop de l’inflammation.

     

    C’est contre les cytokines, les prostaglandines et les leukotriènes inflammatoires que sont dirigés les médicaments contre l’inflammation. Les anti-inflammatoires bloquent donc les signaux pro-inflammatoires. Par exemple l’ibuprofène va arrêter la synthèse de prostaglandine E2 et ainsi stopper l’inflammation.

     

    La pharmacologie de la résolution

    Grâce à la découverte des mécanismes qui contrôlent l’arrêt actif de l’inflammation un nouveau champ pharmacologique est apparu : la pharmacologie de la résolution qui a pour objectif de restaurer ou d’optimiser la capacité du corps à arrêter l’inflammation grâce au mécanisme de la résolution. Un nouveau médicament a ainsi vu le jour : le Navamepent. En mimant la résolvine E1, il active le programme actif de la résolution. 

      

    Les molécules de la résolution et leurs voies de biosynthèse

    Les molécules les plus décrites et qui participent à la résolution sont :

    • - les lipoxines (LXA4, LXB4),
    • - les résolvines de type E et D (RvD1, RvD2, RvD5),
    • - les marésines (7MaR1)
    • - et les protectines (PD1, PDx).

     

    Ces molécules sont des produits de cyclooxygénation et de lipoxygénation de l’acide arachidonique, de l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et de l’acide docoshexahénoïque (DHA) et sont produites à partir d’intermédiaires que sont le 18 HEPE, le 17 HDOHE et le 14 HDOHE.

    La figure suivante résume les voies de biosynthèse des marqueurs de l’inflammation et de la résolution qui seront quantifiés par LC/MS/MS :

    - en vert sont notés les médiateurs bioactifs spécialisés de la résolution de l’inflammation (SPM),

    - en bleu les marqueurs des voies métaboliques,

    - en rouge les précurseurs de ces molécules (non quantifiés),

    - et en noir des médiateurs bioactifs inflammatoires, chemoattractants, anti-inflammatoires ou certains produits d’inactivation.

     

    (A) Le métabolisme de l’acide arachidonique (AA) conduit grâce à la cyclooxygénase (COX) à la production de la prostaglandine E2 (PGE2), du thromboxane B2 (TxB2) et de la prostaglandine D2 (PGD2). A partir des lipoxygénases, il y a production du leukotriène B4 (LtB4), de la lipoxine A4 (LxA4) et de la lipoxine B4 (LxB4).

    (B) Le métabolisme de l’acide eicosapentaénoïque (EPA) conduit à la production par les LOX de l’acide 18-hydroxyeicosapentaenoïque (18-HEPE) et des résolvines E1 et E2 (RvE1 ; RvE2). Le métabolisme de l’acide docosahexaénoïque (DHA) dépendant des LOX conduit à la production de l’acide 17-hydroxydocosahexaenoïque (17-HDoHE), de l’acide 14-hydroxydocosahexaenoïque (14-HDoHE), de la résolvine D1 (RvD1), de la résolvine D2 (RvD2), de la résolvine D5 (RvD5), de la 7-Marésine 1 (7-MaR1), de la protectine D1 (PD1) et de la protectine Dx (PDx). 

     

     

    Les activités biologiques des médiateurs spécialisés de la résolution

     

    Les SPM présentent des activités biologiques très bénéfiques : synthétisées au niveau du site inflammatoire, elles vont passer dans la circulation sanguine et exercer leur activité à distance (activité autacoïde).

    Elles vont permettre ainsi d’arrêter l’inflammation (en inhibant les voies dépendantes de NF-kB par exemple) :

    - en permettant un retour accéléré à l’homéostasie,

    - en évitant le versant fibrotique d’une mauvaise cicatrisation

    - et en favorisant les capacités de défense de l’organisme (elles sont non immunosuppressives).

    Elles présentent également des activités anti-nociceptives, permettant de diminuer la douleur associée à la réponse inflammatoire. Ces molécules agissent en se liant à des récepteurs à la surface des cellules. Par exemple, il est décrit que la LXA4 partage le récepteur ALX/FPR2 en commun avec l’Annexine 1, protéine induite par les glucocorticoides. La RvD1 va lier en plus de FPR2 le récepteur GPR32 et la RvD2 le récepteur GPR18. FPR2, GPR18 et GPR32 sont des récepteurs à G protéines à sept domaines transmembranaires. Outre le fait que si les molécules de la résolution ne sont pas synthétisées au cours d’un processus inflammatoire, l’inflammation va alors perdurer ou ne pas s’éteindre correctement, ces molécules jouent également un rôle précieux pour suivre un mécanisme inflammatoire au travers de leur activité de marqueur biologique. Elles permettent ainsi d’évaluer l’arrêt actif de l’inflammation et de comprendre si une inflammation perdure en raison d’un défaut de résolution ou si les mécanismes d’homéostasie tissulaire sont rompus, en raison de la disparition, par exemple, d’une de ces molécules qui serait naturellement produite au site de l’inflammation (Buckley et al. 2014).

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